août 1, 2019

Uranium Atlas

Le Monde Diplomatique, Nuclear Free Future Foundation, Bund für Umwelt und Naturschutz Deutschland, Rosa-Luxemburg-Stiftung

Faits et données relatifs à la matière première de l’ère atomique


Publishers:

Nuclear Free Future Foundation, Rosa-Luxemburg-Stiftung, Beyond Nuclear, International Physicians for the Prevention of Nuclear War (IPPNW)

Tous les graphiques de l’Atlas de l’uranium peuvent être téléchargés séparément sous forme de fichiers JPG ou PNG. Ils sont soumis à une licence CC-BY-4.0 et peuvent être utilisés à des fins individuelles, si la mention de copyright « Nuclear Free Future Foundation/Hoffmann, CC-BY-4.0 » est placée à côté des graphiques.


La matière première, l’uranium, apparaît comme indispensable. Les slogans sont « extraction sans risques majeurs », « première frappe nucléaire gagnable » et « l’énergie nucléaire comme alternative climatiquement neutre ». La politique mondiale est actuellement aussi une politique nucléaire. L’industrie nucléaire fait de son mieux pour s’asseoir partout à la table des négociations.

Mais la réalité est différente : le Nord global externalise les risques environnementaux et sanitaires par l’exploitation de l’uranium dans le Sud global. Bien que l’uranium ait atteint un prix historiquement bas, les coûts réels de l’énergie nucléaire sont gigantesques, même si l’on ne tient pas compte du stockage des déchets. Ce problème n’est toujours pas résolu dans la plupart des pays qui dépendent de l’énergie nucléaire. Sans compter que les armes nucléaires continuent d’être construites comme des arsenaux d’intimidation.

L’Atlas de l’uranium, publié par la Nuclear Free Future Foundation, le Bund für Umwelt und Naturschutz Deutschland, la Rosa-Luxemburg-Stiftung et Le Monde diplomatique, illustre la dimension mondiale, le risque, la résistance contre l’extraction de l’uranium et l’énergie nucléaire. L’Atlas de l’uranium offre un accès à un sujet complexe qui n’est pratiquement jamais abordé en public.

Extrait de la préface

Le mythe fondateur des Dinés, une nation indigène du sud-ouest des États-Unis, parle de deux sortes de poussière jaune : aux premiers humains, il fut dit que la poussière jaune du pollen de maïs leur assurerait la vie. En revanche, l’autre poudre jaune, l’uranium, la mettrait en danger, raison pour laquelle elle devait rester dans le sol et ne jamais être déterrée. Si elle était retirée du sol, un grand mal adviendrait, leur disait-on.

Et le mal arriva. L’uranium, qui fait désormais l’objet d’un commerce mondial, porte même un nom qui rappelle ce mythe fondateur. Il s’agit du «yellowcake ». Plus de trois mille Dinés – c’est le nom que les Navajos se donnent eux·ellesmêmes – travaillaient dans des mines d’uranium dans les années 1950, sans vêtements de travail spéciaux ni aucune sorte de protection contre les radiations. Recouverts de poussière radioactive, ils rentraient chez eux auprès de leurs familles – et, sans le savoir, contaminaient leurs proches. Aujourd’hui des gens meurent encore à Dinétah, la terre des Navajos. Le danger n’est pas maîtrisé, puisque près d’un millier de mines abandonnées contaminent encore la région.

Lorsque nous autres, peuple indigène de l’Île de la Tortue – c’est ainsi que nous appelons l’Amérique du Nord dans notre langue tribale – luttons contre les mines d’uranium, nous le faisons aux côtés de tous les peuples indigènes du monde entier, qui luttent pour les mêmes objectifs. Il ne s’agit pas seulement de notre survie, mais de la survie de toutes les créatures. Nous sommes tou·te·s une seule famille. La société industrielle mène une guerre contre la Terre. Nous nous considérons comme des enfants de cette Terre et cette guerre est donc une guerre contre nous.

Les premier·ière·s habitant·e·s du continent australien ont lancé un avertissement similaire : celui ou celle qui perturbe le sommeil du serpent arc-en-ciel déchaîne des forces maléfiques qui ne peuvent être domptées par les humains. Les Aborigènes du nord-ouest du continent disent qu’en arrachant les veines d’uranium, on réveille le serpent endormi. Il n’est pas nécessaire d’être un spécialiste des fusées pour voir que le choix du nucléaire est un chemin qui mène au précipice.

L’uranium n’est pas enfoui là, attendant son exploitation, mais c’est l’image que les médias et les manuels scolaires veulent véhiculer : les matières premières attendent, désireuses de soutenir la civilisation occidentale et les infrastructures du monde moderne. Et l’extraction de l’uranium n’est pas la seule menace – l’extraction du pétrole des sables bitumineux laisse également derrière elle des paysages morts et inhabitables. Mais ce que nous ne voyons pas, c’est l’origine des ressources et la dévastation qu’entraîne leur exploitation. Quelle est cette civilisation qui ne permet pas à sa population d’apprendre la vérité ? Dans nos cultures indigènes, nous apprenons à nos enfants que nous autres, les humains, sommes responsables des conséquences de nos actes; mais nous ne pouvons assumer cette responsabilité que lorsque nous connaissons les conséquences de nos actes. La société
industrielle dans laquelle nous vivons a peur de la vérité.

Depuis des décennies, les meilleurs esprits de l’establishment nucléaire sont face à un problème : comment se débarrasser les déchets nucléaires ? Aux États-Unis, une solution leur a paru très séduisante : évacuer les déchets, ni vu ni connu, des les réserves indiennes ! Ainsi, nous autres, peuples indigènes, sommes au début et à la fin de la chaîne nucléaire. Chaque nation qui s’engage dans l’énergie nucléaire doit comprendre qu’elle est complice. L’uranium nous tue.

Je voudrais faire référence à une autre prophétie, cette fois de mon peuple, les Anishinabes, aussi appelés Ojibways. Cette prophétie évoque un temps où nous serons à la croisée des chemins et où nous devrons choisir entre deux voies : l’une est usée et brûlée, l’autre à peine parcourue et verte. Nous sommes maintenant à cette croisée des chemins. L’avenir se montre vert, y compris pour nous autres indigènes. Afin de réduire leurs émissions de CO2, les États-Unis doivent construire des centrales électriques «propres », d’une puissance de 185000 mégawatts, dans les dix prochaines années. Nous pouvons contribuer à cet objectif, car là où nous vivons, les vents soufflent régulièrement et le taux d’ensoleillement est élevé. Notre territoire offre un potentiel de 200000 mégawatts : nous sommes donc en mesure de mettre en œuvre des alternatives dans le pays le plus gaspilleur et le plus destructeur de la planète. Mais nous devons être vigilant·e·s, car l’industrie nucléaire essaie de vendre ses mensonges selon lesquels elle travaille pour sauver l’environnement. Nous devons tou·te·s travailler ensemble et choisir la voie verte – et non la voie usée et brûlée.

Rencontrons-nous sur la voie verte. Laissons l’uranium dans le sol.

Winona LaDuke

Winona LaDuke, née en 1959, militante, auteure, membre de la nation Anishinabe, vit dans la réserve de White Earth, dans le nord du Minnesota, aux États-Unis. En 1977, alors qu’elle venait de sortir du lycée, elle a pris la parole aux Nations Unies à Genève et a révélé pour la première fois que la majeure partie de l’uranium nord-américain était extraite sur les terres des autochtones.