Partager Twitter Facebook Email Copy URL
La continuité historique du colonialisme et de l’impérialisme, à l’instar de l’expansion mondiale actuelle du capitalisme, structure et façonne les rapports de pouvoir et de domination à l’échelle mondiale. Les entreprises transnationales portent atteinte aux droits humains, à la protection de l’environnement et au droit du travail. Ce faisant, elles peuvent invoquer les accords internationaux qui protègent les droits des investisseurs privés et le soi-disant libre-échange. Pour ces sociétés, le droit transnational est essentiellement devenu un instrument de domination pour renforcer leurs intérêts. Les actions qui en découlent vont de pair avec le « mode de vie impérial » des pays du Nord, une externalisation de leurs coûts sociaux et écologiques principalement vers le Sud global, tout en fermant leurs frontières, et une normalisation sociale inquiétante des populistes de droite et des comportements politiques xénophobes.
Un ensemble de droits sociaux existe néanmoins au niveau transnational. La Déclaration universelle des droits de l’homme de l’Assemblée générale des Nations Unies de 1948 affiche déjà une volonté précise en faveur de l’indivisibilité et de l’interdépendance des droits humains politiques et sociaux. Le Pacte social des Nations Unies, adopté en 1966, codifie des normes juridiques ambitieuses, avec des états signataires prenant un engagement juridiquement contraignant pour mettre en œuvre au moins le contenu principal de ces droits. Les conventions de l’Organisation internationale du travail établissent un cadre pour la mise en œuvre à l’échelle internationale des normes minimales de travail, pour la protection des droits des travailleurs immigrés et des populations autochtones. Les droits sociaux sont en outre inscrits dans la Charte sociale européenne.
À partir de ces accords, des mouvements s’opposant à la mondialisation, tels que des organisations syndicales et non-gouvernementales, ont lancé un débat sur les « droits sociaux à travers le monde » dès le début des années 1990 et 2000. À cette époque, les revendications avaient pour objectif de contrer la mondialisation du capital, des marchés et des biens, en mondialisant les droits sociaux. La crise financière mondiale qui a débuté en 2008 a temporairement mis un terme à cette initiative.
Cependant, les révoltes du Printemps arabe de 2011 ont ravivé les luttes pour les droits sociaux. Les « mouvements d’occupation des places » dans le Sud de l’Europe et aux États-Unis s’opposaient aux politiques d’autoritarisme néolibéral. Des campagnes internationales telles que la campagne « Vêtements propres » ont commencé à mettre en évidence la lutte des travailleuses et des travailleurs pour les droits au sein des chaînes de production de l’industrie mondiale de l’habillement. Les mouvements sociaux transnationaux pour la justice climatique et la démocratie énergétique, qui existaient déjà depuis de nombreuses années, se sont également renforcés, comme le mouvement des sans terre « Vía Campesina », à l’origine d’un réseau mondial. Les mouvements, réseaux et luttes sont apparus suite à la préoccupation pour trouver des réponses transnationales et fondées sur les droits aux lignes de conflits sociaux mondiaux et à l’architecture asymétrique sous-jacente des relations Nord-Sud. Cet aspect faisait également partie de l’Agenda 2030 pour le Développement durable adopté par les états-membres des Nations Unies en 2015. L’Agenda définit 17 objectifs de développement durable (ODD). Une revendication majeure de l’Agenda 2030 prévoyait que les droits humains devaient constituer le socle des ODD.
Tandis que le modèle du mode de vie impérial et ses fondements économiques, les dogmes capitalistes de la croissance économique constante, atteignent leurs limites, la justice sociale mondiale n’est plus simplement d’ordre éthique et politique. Au contraire, les coûts externalisés de la mondialisation inégalitaire commencent déjà à nous rattraper, le changement climatique en est un bon exemple. Les défis socio-écologiques mondiaux actuels et les conflits qui en découlent, y compris les changements environnementaux, mais également le nombre croissant de mouvements de réfugié.e.s et migratoires, les risques de conflits violents inhérents à cette situation, la raréfaction des ressources et l’exploitation extrême des chaînes de valeur transnationales, rendent urgente la présence d’une politique transnationale fixant efficacement les « Droits sociaux mondiaux ».
Dans ce contexte, nous souhaiterions relancer les débats sur les « Droits sociaux mondiaux » dans la société civile organisée et la gauche dans sa diversité, grâce à un discours axé sur des luttes et contextes politiques différents se rapportant, par exemple, à la relation salariale et au principe de profit du mode de production capitaliste, des structures de pouvoir patriarcales en économie, en politique et dans la société, aux concepts de citoyenneté définis au niveau ethnique ou national, à l’exclusion raciale ainsi qu’aux structures (néo)-coloniales et aux régimes frontaliers actuels. La mise en œuvre de droits humains sociaux, économiques et culturels dans ce discours apparaît comme une condition préalable à l’établissement de droits humains civils et politiques pour toutes et tous, indépendamment de la nationalité, de l’origine, du lieu de résidence, du sexe, de la couleur de peau ou de l’appartenance religieuse. Le projet des « Droits sociaux mondiaux » remet en question le capitalisme global, modèle de développement basé sur la croissance, qui, étroitement lié au racisme et aux structures patriarcales, crée et consolide des inégalités sociales. Les questions de transformation socio-économiques et écologiques sont à cet effet, particulièrement importantes.
Pour en savoir plus sur les « Droits sociaux mondiaux », consulte notre Bibliographie annotée des Droits sociaux mondiaux.