Partager Twitter Facebook Email Copy URL
Estonie, Lettonie et Lituanie étaient indépendantes entre les deux guerres mondiales, mais elles ont été absorbées par l’Union soviétique en 1940. Après sa dissolution, ells ont essayé de se reconstruire avec différentes stratégies de citoyenneté.
Après avoir recouvré leur indépendance en 1991, la Lettonie et l’Estonie ont mis en place des politiques restrictives qui n’accordaient la nationalité qu’à ceux qui l’avaient eue avant l’occupation soviétique, ainsi qu’à leurs descendants. En conséquence, environ un tiers de la population de ces pays – anciens citoyens de l’URSS – a été privé de citoyenneté.
Cette politique défavorisait particulièrement les russophones d’origine russe, biélorusse et ukrainienne, dont on estimait qu’ils représentaient une menace pour l’identité et la langue nationales. Ils furent déclarés « non-citoyens » (« nepilsoņi » en letton) ou de « nationalité indéterminée » (« kodakondsuseta isik » en estonien). Dans les années 1990, des institutions internationales, dont les Nations unies, l’Union européenne, l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), le Conseil de l’Europe, Helsinki Watch et Amnesty International, ont critiqué la politique de citoyenneté et la loi exclusive sur la citoyenneté en Lettonie et en Estonie. Suite à ces pressions, la Lettonie et l’Estonie ont introduit des amendements pour faciliter l’obtention de la citoyenneté. Les restrictions à la citoyenneté avaient pour finalité de restaurer le statut juridique et la démographie ethnique pendant l’entre-deux-guerres. Le processus de naturalisation dans les deux pays visait à encourager les « non-citoyens » et les personnes de nationalité indéterminée à s’adapter à la société majoritaire.
En Estonie, le processus de naturalisation s’avéra plus dynamique et plus efficace qu’en Lettonie. Le nombre de personnes à nationalité indéterminée est passé de 32 %, en 1992, à 5,7 %, en 2019. Il est actuellement de 76 148 individus. En Lettonie, près de 150 000 personnes ont été naturalisées depuis la promulgation de la loi sur la citoyenneté de 1995. Malgré cela, 237 759 personnes, soit 11 % de la population, demeurent des « non-citoyens ».
Ces dernières années, L’Estonie a mis en place des mécanismes visant à réduire drastiquement le nombre de personnes ayant une nationalité indéterminée. Ainsi, ceux qui ont un permis de séjour longue-durée ou permanent et qui se sont installés (ou qui sont nés) en Estonie avant le 1er juillet 1990 peuvent désormais faire valoir leur citoyenneté. Sous conditions : ils doivent parler couramment l’estonien, avoir une source légale de revenus, un lieu de résidence dans le pays, et affirmer une loyauté sans faille à l’égard de l’État estonien. Cependant, depuis 2015, les personnes de plus de 65 ans sont exemptées de l’examen de langue écrite. De plus, tous les enfants nés en Estonie après 2016, et dont les parents sont résidents permanents depuis au moins cinq ans, se voient automatiquement accorder la citoyenneté.
Une solution à l’identique vient d’être approuvée par le Parlement letton. Les enfants peuvent demander la nationalité à partir de leurs 15 ans. Et les moins de 15 ans peuvent être naturalisés avec leurs parents. Cela s’applique également aux candidats parlant couramment le letton, résidents permanents depuis cinq ans et qui disposent d’une source légale de revenus.
En Lettonie, les non-ressortissants bénéficient de la protection de la loi. C’est aussi le cas en Estonie pour les personnes ayant une citoyenneté indéterminée. Ils peuvent devenir membres d’organisations civiles et ont le droit de voyager sans visa dans l’Union européenne (UE). Mais, en dépit de ces garanties, les droits politiques et économiques de ces non-citoyens, ou de ceux dont la citoyenneté est indéterminée, sont restreints. Ils ne peuvent pas voter, ne sont pas protégés par la législation sur les minorités nationales, et ne peuvent pas travailler dans la fonction publique en qualité de fonctionnaire, juge, avocat, policier ou soldats. De même, l’accès aux professions techniques leur est limité.
Au contraire de la Lettonie et de l’Estonie, la Lituanie a opté pour une variante plus généreuse. Autorisant aux personnes enregistrées sur le sol lituanien d’obtenir la citoyenneté, et ce indépendamment de leur nationalité, de leur durée de résidence ou de leur maîtrise de la langue lituanienne. De ce fait, moins de 0,1% de la population est apatride. La politique d’intégration du pays résulte de trois éléments. La Lituanie est historiquement composée de nationalités multiples. À l’indépendance, les minorités représentaient un pourcentage relativement faible de la population et le pays avait besoin de stabiliser ses relations avec ses voisins.
Mais tout a changé avec la loi sur la citoyenneté de 2002. Laquelle a limité l’accès à la citoyenneté des personnes sans racines lituaniennes. Ce qui a considérablement influé sur le processus de naturalisation, en particulier pour les migrants ayant la citoyenneté de l’ère soviétique. A l’instar de l’Estonie, la Lituanie n’autorise pas la double nationalité : avoir une deuxième nationalité rend impossible l’obtention de la citoyenneté lituanienne.
Contrairement à la Lituanie, le statut de non-citoyen en Estonie et en Lettonie a affecté la situation politique, économique et sociale de leurs résidents, ce qui a freiné leur intégration sociale. La libéralisation progressive de la citoyenneté a amélioré la cohésion interethnique, en particulier en Estonie, mais un nombre considérable de non-citoyens ne sont toujours pas disposés à demander la naturalisation après 30 ans d’indépendance.
Cette contribution est autorisée sous la licence de droit d’auteur suivante : CC-BY 4.0
L’article a été publié dans l’Atlas des apatrides en français, anglais et allemand.